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La '''rougeole''' (également appelée parfois '''première maladie'''<ref>Ce nom de première maladie provient du fait que, vers la fin du {{Ss-|XIX}}, lorsqu'on a voulu établir une liste internationale des [[Exanthème|exanthèmes]] infantiles, elle a été la première à être énumérée {{Lien web|langue=en|titre=fourth disease|url=https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(00)03623-0/fulltext|site=thelancet.com|date=}}. </ref>{{,}}<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Regina|nom1=Fölster‐Holst|prénom2=Hans Wolfgang|nom2=Kreth|titre=Viral exanthems in childhood – infectious (direct) exanthems. Part 1: Classic exanthems|périodique=JDDG: Journal der Deutschen Dermatologischen Gesellschaft|volume=7|numéro=4|date=2009|issn=1610-0387|doi=10.1111/j.1610-0387.2008.06868.x|lire en ligne=https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1610-0387.2008.06868.x|consulté le=2019-05-17|pages=309–316}}</ref>) est une [[infection virale]] éruptive aiguë. Elle atteint essentiellement les enfants à partir de l’âge de 5-6 mois et les jeunes adultes<ref>Par exemple, en France, entre 2008 et 2012, la moitié des personnes atteintes ont plus de 15 ans, selon l'[[Agence nationale de santé publique]] (cf. [http://inpes.santepubliquefrance.fr/CFESBases/catalogue/pdf/1174.pdf fascicule]).</ref>. La [[vaccination]] contre la rougeole vise surtout à éviter les complications de l'infection, comme les [[Encéphalite|encéphalites]] qui peuvent avoir des séquelles importantes voire létales, et à prévenir un affaiblissement immunitaire lié à la maladie.
 
== Histoire ==
=== Origines ===
Pour persister durablement (assurer une chaîne continue de transmission), une maladie infectieuse a besoin d'une population humaine minimum. Dans le cas de la rougeole, on estime qu'il faut au moins une population vierge (non immunisée) de {{formatnum:250000}} à {{unité|500000|individus}} ayant des interactions fréquentes, typiquement des habitants d'un territoire relativement restreint. CetteUne telle densité humaine n'a été atteinte qu'autour de {{unité|2500|ans}} avant J.-C., par les premières civilisations urbaines de [[Mésopotamie]]<ref name=":0">{{Ouvrage|langue=en|auteur1=Robert J. Kim-Farley|titre=Measles|lieu=Cambridge|éditeur=[[Cambridge University Press]]|année=1993|pages totales=1176|passage=873-874.|isbn=0-521-33286-9}}{{Commentaire biblio|dans The Cambridge World History of Human Disease, K. F. Kiple (dir.).}}</ref>{{,}}<ref name=":1">{{en}} Y. Furuse, A. Suzuki, et H. Oshitani, « Origin of measles virus: divergence from rinderpest virus between the 11th and 12th centuries », in ''Virology Journal'', 2010, 7:52 {{présentation en ligne|lien=https://virologyj.biomedcentral.com/articles/10.1186/1743-422X-7-52}}.</ref>.
 
Il est aujourd'hui admis, par des études [[Phylogénétique moléculaire|phylogénétiques]], que le virus de la rougeole correspond à l’adaptation à l’espèce humaine du virus de la [[peste bovine]], officiellement éradiquée de la planète en [[2011 en santé et médecine|2011]]<ref>{{Lien web |auteur=François Moutou |titre=Les zoonoses, entre humains et animaux |url=https://laviedesidees.fr/Les-zoonoses-entre-humains-et-animaux.html |site=[[La République des idées|La vie des idées]].fr |date={{1er}} mai 2020 |consulté le=10 mai 2020}}.</ref>. La datation de cette divergence est discutée : vers le {{sap-|XI}}<ref name=":1" />, ou dès le {{-Ss-|VI}} selon une étude récente<ref>Ariane Düx {{et al.}}, ''Measles virus and rinderpest virus divergence dated to the sixth century BCE'', 2020. {{DOI|10.1126/science.aba9411}}</ref>.
 
Dans les textes médicaux de l'Antiquité gréco-romaine, comme ceux de l'Antiquité chinoise, on ne retrouve pas de mention précise d'une maladie évoquant la rougeole. La maladie est considérée comme absente du bassin méditerranéen dans l'Antiquité<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Mirko D. Grmek|titre=Les maladies à l'aube de la civilisation occidentale|lieu=Paris|éditeur=[[Payot (éditions)|Payot]]|collection=Médecine et sociétés|année=1983|pages totales=527|passage=478.|isbn=2-228-55030-2}}</ref>.
[[Fichier:Al Razi Receuil de traite de medecine translated by Gerard de Cremone Second half of 13th century.jpg|vignette|Le traité de médecine de Rhazès, traduit en latin par [[Gérard de Crémone]] au {{Ss-|XIII}} ([[musée de Cluny]]).]]
La première description de la rougeole est attribuée à [[Rhazès]], médecin persan du {{Ss-|X}}, dans son fameux traité, daté de 910, où il la distingue de la [[variole]]. [[Avicenne]] précise ces différences vers l'an 1000, en distinguant aussi une « rougeole atténuée », qui sera interprétée plus tard comme étant en fait une [[rubéole]]<ref name=":0" />.
 
Au Moyen Âge, la rougeole est désignée sous le terme latin de « ''morbilli'' », diminutif de « ''morbus'' », ou « petite maladie ». Ce terme recouvre des aspects similaires de plusieurs maladies éruptives de façon plus ou moins confuse (variole, [[lèpre]], [[scarlatine]]...). Il reste employé dans le français médical moderne « morbilliforme » (qui ressemble à l'éruption de la rougeole)<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Garnier Delamare|titre=Dictionnaire illustré des termes de médecine|lieu=Paris|éditeur=Maloine|année=2017|pages totales=1094|passage=615.|isbn=978-2-224-03434-4}}</ref>.
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En 1758, le médecin écossais {{Lien|langue=en|trad=Francis Home|fr=Francis Home}} démontre le caractère contagieux de la maladie, et tente d'obtenir une prévention en appliquant un principe analogue à la [[variolisation]] en utilisant du sang de rougeoleux.
 
Au {{Ss-|XIX}}, de grandes épidémies de rougeole chez les autochtones sont décrites lors de l'occupation de régions insulaires : les [[Îles Féroé|Iles Féroé]] (1846), [[Hawaï]] (1848), les [[Fidji|îles Fidji]] (1876), les îles [[Samoa]] (1911), ainsi que le sud du [[Groenland]] en 1951. Ces populations insulaires ou isolées étaient non-immunisées par absence de rougeole (population vierge ou « naïve »). La rougeole frappe alors plus de 9 personnes sur 10 avec une forte mortalité pouvant aller jusqu'à 20 à 25 % de la population : Hawaï en 1848, les Fidji en 1876<ref name=":0" />.
 
En Europe des épidémies sévirent en [[1840]], [[1860]] et [[1880]].
 
La description clinique, précise et complète, de la rougeole, avec ses différentes complications, est achevée au tournant du {{Ss-|XX}}. En 1896, [[Henry Koplik]] décrit le [[signe de Koplik]], signe précoce caractéristique de la rougeole.
 
La nature virale de la maladie est démontrée en 1911 par {{Lien|langue=en|trad=John F. Anderson (scientist)|fr=John F. Anderson}} et [[Joseph Goldberger]]. La [[culture cellulaire]] du virus est réalisée à partir de 1938. Le virus est isolé en [[1954 en santé et médecine|1954]] par [[John Enders]], qui en obtient une souche atténuée en 1958.
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== Transmission et contagiosité ==
Le virus de la rougeole se transmet directement par voie aérienne (lesen [[bioaérosol]] (gouttelettes de salive en suspension dans l'air). Il se propage également par contact direct avec les sécrétions du nez ou de la gorge de personnes infectées. Le virus ainsi éjecté reste dangereux au moins trente minutes et jusqu'à près de deux heures, en milieu aérien fermé (comme celui d'un cabinet médical)<ref name=":17" />, ou sur les objets et les surfaces<ref>{{Lien web|langue=fr-FR|titre=Rougeole|url=http://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/measles|site=World Health Organization|consulté le=2018-08-26}}</ref>.
 
La période de propagation du virus commence deux à six jours avant l'apparition de l'éruption cutanée. L'installation du virus dans l'organisme se fait au cours de la période d'incubation. Le virus est présent dans les sécrétions respiratoires dès la fin de l'incubation, jusqu'au cinquième jour après l'éruption<ref name=":2">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=E. Pilly|titre=Maladies Infectieuses et Tropicales|sous-titre=tous les items d'infectiologie|lieu=Paris|éditeur=CMIT|année=2017|pages totales=720|passage=480.|isbn=978-2-916641-66-9}}</ref>. Le risque de transmission diminue à partir du deuxième jour suivant l'apparition de l'éruption.
 
On sait depuis le {{Ss-|XIX}} que cette maladie est {{Citation|hautement contagieuse}}<ref>Lacroix, L. (2008). ''Rougeole: diagnostic et prise en charge d'une maladie toujours d'actualité.'' Maladies infectieuses, 152(14), 920-924.</ref>. La période de contagiosité débute cinq jours avant et dure jusqu'à cinq jours après l'éruption. Le [[Modèles compartimentaux en épidémiologie#Taux de reproduction de base|taux de reproduction]] de la rougeole (calcul du nombre moyen d'individus qu'une personne infectée peut contaminer tant qu'elle sera contagieuse) dans une population non-immunisée est estimé entre 12 et 18, ce qui en fait l'une des plus contagieuses<ref name=":2" />.
 
== Signes cliniques et évolution ==
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L'atteinte des muqueuses digestives est fréquente avec diarrhées, douleurs abdominales et vomissements. Des signes neurologiques sont possibles (convulsions, syndrome méningé)<ref name=":2" />.
 
Pendant l'invasion, le sujet est contagieux. Le [[Signe de Koplik|signe de KöplickKöplik]] apparaît vers la {{36e}} heure après le début du catarrhe et jusqu'à la phase éruptive, de façon inconstante (70 % des cas)<ref name=":21" />. Il est fugace, souvent présent moins de {{unité|24|heures}}. Il consiste en l'apparition sur la muqueuse buccale, à la hauteur des [[Prémolaire|prémolaires]] inférieures, de petites taches rouges irrégulières avec un petit point central blanc.
 
Cet [[énanthème]], décrit par [[Henry Koplik]] en 1896, est [[pathognomonique]] de la maladie, lorsqu'il est présent.
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=== Autres complications ===
La pneumonie dite interstitielle à cellules géantes (par fusion des cellules infectées) se voit chez les enfants ayant unune [[déficit immunitaireimmunodéficience]].
 
Les [[kératite|kérato-]][[Conjonctivite|conjonctivites]] sont fréquentes et peuvent se compliquer de cécité, plus particulièrement dans les pays en voie de développement, en cas de déficit en [[vitamine A]], avec près de {{nobrnb|de 15 00015000 à 60 00060000 cas}} de cécités annuels dans le monde<ref> {{en}} Semba RD, Bloem MW, [http://www.surveyophthalmol.com/article/S0039-6257(03)00179-6/abstract ''Measles blindness. Surv Ophthalmol''], 2004;49:243-255</ref>. S'en rapprochent l'otite moyenne aiguë et les cas de surdité<ref name=":5" />.
 
L'hépatite de la rougeole se voit surtout chez l'adulte<ref name=":5" />.
 
Les formes les plus sévères de la rougeole apparaissent chez le jeune enfant souffrant de malnutrition, surtout avec déficit immunitaire ou en vitamine A. D'autre part, la rougeole conduit fréquemment à la malnutrition par ses manifestations digestives (diarrhées, vomissements...vomissements…)<ref name=":3" />. Dans les pays en développement, la mortalité de la rougeole est de l'ordre de 1 à 15 % (selon la malnutrition et l'accès aux soins)<ref name=":21" />.
 
Dans de rares cas, la rougeole peut provoquer des [[thrombopénie]]s, entrainer des [[dysphagie]] voire une surdité. Chez l'adulte, la rougeole peut aussi être à l'origine d'[[Cytolyse hépatique|hépatites cytolytiques]].
 
=== Rougeole et immunité ===
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L'âge moyen auquel on contracte la rougeole dépend de l'immunité de la population, du taux de natalité, et de facteurs biologiques et environnementaux. Dans les pays en développement où le taux de couverture vaccinale est faible et chez les enfants des pays industrialisés d'avant la vaccination, la majorité des rougeoles surviennent chez le petit enfant, souvent avant l'âge de 2 ans<ref name=":3" />.
 
La maladie est d'autant plus grave avant l'âge de 3 ans, avec un risque de complication plus élevé chez les jeunes adultes. La gravité de la rougeole est aussi liée au milieu social, d'autant plus grave en milieu précaire : [[promiscuité]], [[malnutrition]] en particulier la carence en [[vitamine A]], [[Immunodéficienceimmunodéficience]]s comme celle du [[Syndrome d'immunodéficience acquise|sidaSIDA]]<ref name=":16" />.
 
Lorsque la couverture vaccinale augmente, l'âge moyen se déplace vers les adolescents et jeunes adultes, en raison de la moindre circulation du virus et de leur l'absence ou insuffisance d'immunisation (par défaut de vaccination ou de contact avec le virus durant leur enfance)<ref name=":10">OMS 28 avril 2017, op. cit, p. 206.</ref>.
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=== Période prévaccinale ===
Dans les pays tempérés, à l'ère prévaccinale, les épidémies étaient saisonnières, plus fréquentes en hiver et au printemps<ref name=":9">Jean-Noël Gaudelus 2008, op. cit., p. 168-171.</ref> ; dans les pays tropicaux, les cas de rougeole surviennent le plus souvent en saison sèche<ref name=":10" />. [[File:5616561595 9683d78a20 bMEASLESrougeole.jpg|vignette|Épidémiologie de la rougeole durant la [[Première Guerre mondiale]] ; cartographie pour les États-Unis de l'importance d'une épidémie de rougeole, sur la base des taux d'admission pour 1000 personnes/an d'hommes blancs enrôlés dans l'armée d'avril à décembre [[1917]] ; Archives médicales militaires américaines]]
Au début du {{Ss-|XX}}, en France, la rougeole était la première cause de mortalité infantile par infection, plus que la diphtérie, la scarlatine et la coqueluche réunies. Les victimes sont surtout les très jeunes enfants de moins de trois ans<ref>Au début du {{Ss-|XX}}, en France, la rougeole tuait plus de trois mille enfants par an, selon Jean Paraf et {{Article |auteur1=[[Jean Bernard (médecin)|Jean Bernard]] |titre=Rougeole |nature article=fascicule 8041 |périodique=Encyclopédie médico-chirurgicale - maladies infectieuses |date=1946 |lire en ligne= |pages=4. }} Ils indiquent en 1946 que la rougeole est « la maladie contagieuse de l'enfance dont la mortalité baisse le plus lentement, celle qui se montre la plus redoutable pour les enfants français ».</ref>.
 
À la veille de l'introduction du vaccin, les épidémies de rougeole en France survenaient tous les trois ans environ, touchant de {{formatnum:300000}} à {{formatnum:500000}} sujets par an, soit de façon quasi-inéluctable pour tous les enfants, la mortalité annuelle par rougeole ayant déjà chuté jusqu'à 15-30 cas par an vers 1980<ref name=":9" />.
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En 1966, la République populaire de Chine autorise la vaccination avec un vaccin à virus atténué élaboré à partir d'une souche locale ''Shangaï 191''<ref>https://www.jstor.org/pss/4453066</ref>.
 
En 1967, Smorodinstev développe un vaccin à virus atténué à partir de la souche léningradLéningrad-16 qui sera le premier vaccin utilisé dans l'Europe de l'Est<ref name=":19" />.
 
Au Japon, les souches utilisées sont CAM-70, AIK-C, TD97, toutes issues de la souche initiale ''Tanabe''<ref name=":19" />''.''
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=== Liens externes ===
* {{Bases santéLiens}}
* [http://www.who.int/topics/measles/fr/ Page sur le site Organisation mondiale de la santé]
* [http://www.info-rougeole.fr/index.html Info rougeole de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (France)]
 
{{Palette|Exanthème|Infections virales avec lésions cutanées et muqueuses|Infections virales}}