Colonialisme et Jeux olympiques modernes
Les Jeux olympiques modernes sont sujets à des polémiques. Le fondateur des Jeux modernes, le baron Pierre de Coubertin, était ouvertement pro-colonialiste. Depuis leur fondation, l'histoire des Jeux olympiques modernes est parsemée de problèmes liés au colonialisme.
Histoire du colonialisme dans les Jeux olympiques modernes
modifierLe baron Pierre de Coubertin, né le 1er janvier 1863 à Paris, est issu de la famille Fredy, une riche famille originaire de Rome. Sa branche française est anoblie en 1629. Pierre de Coubertin quitte la France pour la Suisse, à Lausanne, après le début de la guerre, en 1915. Il s’éteint le 2 septembre 1937 à Genève, à l'âge de 74 ans.
Tout au long de sa vie, il fait de la promotion du sport son cheval de bataille. Il promulgue des idées ambivalentes, parfois progressistes et humanistes, notamment avec la promotion du sport pour tous, et parfois réactionnaires, en soutenant le colonialisme, la misogynie (avec notamment la non-participation des femmes aux premiers jeux modernes organisés et sa confrontation avec Alice Milliat[1]) et, implicitement, le régime nazi.
Il affirme dans ses mémoires conservées aux archives du CIO des propos qui ne laissent pas de doute sur sa position quant à l'idéologie raciste coloniale : "Dès les premiers jours, j'étais un colonialiste fanatique… Les races sont de valeur différente, et à la race blanche, d’essence supérieure, toutes les autres doivent faire allégeance."[1]
Cas liés au colonialisme dans les Jeux olympiques modernes
modifierLes premiers Jeux olympiques ont lieu symboliquement à Athènes en 1896. Les premiers scandales éclatent lors des Jeux Olympiques de Saint-Louis en 1904, troisième édition des Jeux modernes.
Cette édition a lieu en marge de l'exposition universelle qui se tient au même endroit et en même temps. Elle est marquée par l'organisation des « Journées anthropologiques », réservées exclusivement aux personnes issues de « tribus sauvages », considérées comme « moins civilisées ». Ces journées, ressemblaient beaucoup aux zoos humains. Les athlètes étaient logés dans des maisons représentant leur « habitat naturel », aux yeux de tous les visiteurs blancs, et devaient participer à des épreuves sportives essentiellement basées sur la démonstration de force pure. Au fil des jours, les blancs pouvaient observer également des athlètes noirs participer à des épreuves créées pour eux : un concours d'escalade d'arbres, une compétition de lancer de boue, des combats entre les tribus autochtones Mohawk et Sénécas, par exemple[2]. Pierre de Coubertin se serait opposé publiquement à la tenue de ces journées, d'après la théoricienne Susan Brownell. L'inclusion des zoos humains dans les expositions universelles et les Jeux olympiques semblait inévitable, les deux événements partageant la même « logique sous-jacente de supériorité blanche »[3].
Durant les éditions suivantes, les métropoles des pays colonisateurs enverront parfois des athlètes issus de leurs colonies pour défendre leurs couleurs. Pierre de Coubertin, bien avant les premiers mouvements d'indépendance, lance un appel au développement du sport en Afrique avec, comme titre, Le sport veut conquérir l'Afrique[4]. Il émet l'idée de créer des jeux régionaux, les Jeux Africains, qui auraient lieu en 1927 à Alexandrie, en Egypte. Cette volonté de développer le sport n'a pas pour but d'émanciper les athlètes africains mais d'asseoir l'autorité occidentale sur les pays colonisés[non neutre]. Les Jeux furent reportés à 1929 à cause de retards dans les travaux du Stade d'Alexandrie. Ils furent finalement annulés car, d'après Pierre de Coubertin, les métropoles craignent qu'une « victoire de la race dominée sur la race dominatrice » soit exploitée par la population locale comme « un encouragement à la rébellion ». Cependant, Pierre de Coubertin s'oppose à cet avis car il y voyait plutôt l'opportunité d'apporter la « civilisation sportive »[5]. Finalement, les Jeux Africains feront leur première apparition plus de 30 ans plus tard, en 1965, à Brazzaville, après les Jeux panarabes et les Jeux Méditerranéens.
Les Jeux olympiques de 1936, organisés à Berlin par le gouvernement nazi d'Adolf Hitler, sont utilisés comme un instrument politique afin de promouvoir le racisme et l'antisémitisme. Hitler était convaincu de la domination de la race aryenne lors de ces Jeux. Jesse Owens, un athlète noir américain, gagna 4 médailles, en sprint et saut en longueur, symbole marquant de l'histoire des Jeux olympiques modernes. Pierre de Coubertin, retiré du Comité International Olympique lors de ces Jeux, apporta son soutien au gouvernement nazi, dans un discours glorifiant les capacités organisationnelles et idéologiques du Troisième Reich[6].
À la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l’Afrique, meurtrie par la mobilisation des colonies par les métropoles et soutenue par la progression du communisme, peut voir les prémices de son indépendance. De nombreux pays colonisateurs déclarent leur intention d’offrir une compensation politique, économique ou sociale à leurs colonies[7]. Cela entraîne le premier mouvement recensé dans l’histoire et ayant déclenché la décolonisation de l’Afrique qui débute avec le Ghana en 1957. Cet élan déclenche un phénomène d’emballement pour les autres colonies africaines qui atteint son apogée en 1960[8]. Les années 1960 sont un moment important de l’histoire africaine aux Jeux Olympiques. Un athlète Ethiopien, Abebe Bikila, devient le premier médaillé d’or Africain noir lors du marathon de Rome[9].
En 1968, le CIO décide d’inviter l’Afrique du Sud, un pays pro-apartheid, aux Jeux suivants. Cette décision sera annulée suite à une violente réaction populaire et l’Afrique du Sud fut bannie des Jeux jusqu'en 1990, après la libération de Nelson Mandela[9]. L'édition des Jeux de Mexico, en 1968, est marquée par de nombreux épisodes de violence raciale. Tommie Smith et John Carlos, deux athlètes afro-américains terminant respectivement premier et troisième, lèvent le poing en signe de contestation politique face à la ségrégation raciale lors de la remise des médailles. Ce geste valut aux deux athlètes d'être exclus à vie des Jeux olympiques. Malgré ces conséquences, ce geste reste un symbole de protestation dépassant largement le domaine du sport olympique ; il eut des répercussions sur la suite de l'histoire du sport.
Le colonialisme moderne
modifierDe nos jours, des restes de colonialisme prennent une forme plus implicite dans les Jeux olympiques, essentiellement à travers le racisme. Par exemple, Surya Bonaly, patineuse artistique noire, déclare à Eurosport : « Si j'avais été blanche ou Américaine, j'aurais peut-être gagné une médaille d'or aux JO ou aux championnats du monde »[10], en 1994.
Le colonialisme dans la capitale olympique
modifierLausanne, officiellement déclarée comme capitale olympique, compte de nombreux lieux liés au mouvement olympique à travers la ville.
Traces implicites
modifierLes traces physiques du colonialisme n'y sont que peu présentes. Les seuls témoins du colonialisme sont implicites, en connaissant l'histoire de Pierre de Coubertin notamment, nom que nous retrouvons souvent dans Lausanne avec le Stade-Pierre-de-Coubertin, l'Avenue Pierre de Coubertin, le buste de Pierre de Coubertin à l'Esplanade de Montbenon ou la tombe de Pierre de Coubertin dans le cimetière du Bois-de-Vaux.
Traces explicites
modifierLes traces explicites sont rares et difficiles à dénicher. Elles sont essentiellement dans le Musée olympique dans lequel les journées anthropologiques, la polémique des jeux nazis ou le poing levé de Mexico sont mentionnés. De nombreuses mentions liées au colonialisme se trouvent dans les documents d'archives disponibles au Centre d'Etudes Olympiques.
De manière générale, il semble toutefois que le point du colonialisme est, soit grandement occulté dans ce qui est transmis au grand public par les instances olympiques (le pro-colonialisme de Pierre de Coubertin ou la polémique des Jeux Africains, par exemple), soit présenté de manière positive (les mouvements d'indépendance, le poing levé à Mexico, etc.).[non neutre]
Références
modifier- « Jeux olympiques : misogyne, raciste, colonialiste... qui était vraiment Pierre de Coubertin ? », sur France 24, (consulté le )
- (en) Nate Dimeo, « Olympic-Sized Racism », sur Slate,
- (en) Susan Brownell, The 1904 Anthropology Days and Olympic Games: Sport, Race, and American Imperialism (Critical Studies in the History of Anthropology), Lincoln, Nebraska, Hardcover, , 490 p., p. 29
- Pierre de Coubertin, « Appel de Pierre de Coubertin pour le développement du sport en Afrique » (Document d'archive), Centre d'Etudes Olympiques,
- Pierre de Coubertin, « Colonisation sportive », Bulletin du Bureau International de Pédagogie Sportive, no 5, , p. 12-14
- Daniel Bermond, Pierre de Coubertin, Paris, Éditions Perrin, , 429 p.
- Catherine Coquerie-Vidrovitch, « De la décolonisation à l'indépendance », L'Afrique noire, de 1800 à nos jours,
- Pierre Brocheux, Samya El Mechat, Marc Frey, Karl Hack, Arnaud Nanta, Solofo Randrianja, Jean-Marc Regnault, « Les décolonisations au XXe siècle : La fin des empires européens et japonais », Armand Colin,
- Mustapha Kessous, « Les 100 histoires des Jeux olympiques », Presses Universitaires de France,
- Eurosport, « Surya Bonaly : "Si j'avais été blanche ou Américaine, j'aurais peut-être gagné une médaille d'or aux JO ou aux championnats du monde" », sur Eurosport (consulté le )