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Aristéas de Proconnèse (en grec ancien Ἀριστέας / Aristéas, en latin Aristeas Proconnesius, en français Aristée de Proconnèse) est un poète voyageur semi-légendaire originaire de Proconnèse en Propontide, actif vers 600 av. J.-C. Adorateur d'Apollon Hyperboréen, il voyagea vers le nord en Scythie, où il fut peut-être initié aux pratiques chamaniques.
Biographie
Régulièrement, l'activité d'Aristéas est situé vers -650[3], un peu avant celle d'Épiménide (vers -650). D'après la Souda, il aurait vécu au VIe siècle av. J.-C., "aux temps de Crésus et de Cyrus, au cours de la 50e olympiade" (-580/-576). Cette datation est néanmoins sujette à caution ; ainsi, A. Ivantchik [1993] suggère une période beaucoup plus basse (seconde moitié du VIe siècle, voire le premier quart du Ve siècle av. J.-C.), considérant qu'« aucun mot des fragments de l’Arimaspée qui pouvait être utilisés pour sa datation ne correspond à l’usage de la littérature des VIIIe-VIIe siècles avant J.-C.[4] » Un miroir représentant les Arimaspes, datant de 575 av. J.-C. environ, est toujours visible aujourd'hui[5].
Il est, chez Hérodote, « fils de Caystrobios » (IV, 13), issu « d'une des meilleures familles de son pays » (IV, 14). La Souda reprend le nom de Caystrobios et y ajoute celui de Démocharis (Ἀριστέας, Δημοχάριδος ἢ Καυστροβίου). D'après G. Huxley [1986][6], le premier nom laisse penser que sa famille était originaire d'Ionie (peut-être d'Éphèse).
« De son côté, Aristéas, fils de Caystrobios, de Proconnèse, dans un poème épique [Arimaspées], raconte que, possédé de Phébus, il alla chez les Issédons, qu'au-dessus des Issédons habitent les Arimaspes, hommes qui n'auraient qu'un œil ; au-dessus des Arimaspes, les griffons gardiens de l'or ; au-dessus des griffons, les Hyperboréens qui s'étendent jusqu'à une mer ; que, sauf les Hyperboréens, tous ces peuples, à commencer par les Armaspes, font constamment la guerre à leurs voisins ; que les Issédons furent chassés de chez eux par les Arimaspes, les Scythes par les Issédons ; et que les Cimmériens, qui habitent la côte de la mer du Sud, sous la pression des SCythes abandonnèrent leur pays. Ainsi, lui non plus n'est pas concernant ce pays, d'accord avec les Scythes. »
La tradition lui attribue des pouvoirs chamaniques : il était sujet à des transes et avait le don de bilocation[8]. Hérodote (IV, 14) rapporte ainsi qu'Aristée tomba en catalepsie dans l'atelier d'un foulon à Proconnèse ; mais qu'avant que ses disciples puissent le relever, son corps avait disparu ; qu'ensuite il revint six ans plus tard les retrouver. Par ailleurs, toujours selon Hérodote (IV, 15), deux cent quarante ans après cette mort supposée, un homme du nom d'Aristée arriva vers -470 dans la ville de Métaponte en Calabre, prétendant que depuis deux siècles il avait accompagné Apollon sous la forme d'un corbeau. Il demanda aux habitants qu'on lui érige une statue et qu'on dresse un autel dédié à Apollon, puis disparut. Cela daterait Aristéas de Proconnèse vers -710, ce qui est incompatible avec l'histoire de Proconnèse.
On qualifie d' "hyperboréens" ou d' "apolliniens" un groupe de penseurs ou de mages ou de chamans antérieurs à Socrate et même au premier des présocratiques (Thalès) : Aristéas de Proconnèse (vers 650 av. J.-C. ?), Épiménide de Crète (vers 640 av. J.-C.), Phérécyde de Syros (vers 550 av. J.-C.), Abaris le Scythe (vers 560 av. J.-C. ?), Hermotime de Clazomènes (vers 500 av. J.-C.). Les Grecs en faisaient une école, qui anticipait le pythagorisme : pour Apollonios Dyscole, "À Épiménide, Aristéas, Hermotime, Abaris et Phérécyde a succédé Pythagore (...) qui ne voulut jamais renoncer à l'art de faiseur de miracles."[9] Ce sont à la fois des chamanes et des penseurs ou même des philosophes. Le premier à noter l'aspect chamanique fut Meuli.[10]
Œuvre
Hérodote (IV, 14) et la Souda attribuent à Aristée un poème intitulé Les Arimaspées (Ἀριμάσπεια / Arimáspeia), dont il ne nous reste que quelques fragments (douze vers en tout préservés par Tzetzès et le pseudo-Longin).
L'auteur y raconte un voyage qu'il fit dans les pays du nord, au-delà de la Thrace. D'après Hérodote (IV, 13), il y rencontra une tribu qu'il appelle les Issédons, qui lui parla d'autres tribus vivant encore plus loin au nord : les Arimaspes pourvus d'un seul œil, qui combattent les griffons gardiens d'un trésor[11], enfin les Hyperboréens chez qui Apollon réside l'hiver.
Bibliographie
voir "un répertoire des sources philosophiques antiques" [1]
Sources
- Aulu-Gelle, Nuits attiques [détail des éditions] (lire en ligne) (IX, 4, 1-5).
- Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne] (vers 400 av. J.-C.) (IV, 13-16).
- Origène, Contre Celse (III, 27).
- Pausanias, Description de la Grèce [détail des éditions] [lire en ligne] (I, 24, 6).
- Pline l'Ancien, Histoire naturelle [détail des éditions] [lire en ligne] (VII, 2, 2).
- (en + grc) Souda (lire en ligne) (s.v. Ἀριστέας).
- Thucydide, La Guerre du Péloponnèse [détail des éditions] [lire en ligne] (VII, 23, 2).
Fragments
- (grc) Malcolm Davies, Epicorum Graecorum Fragmenta, Vandenhoek et Ruprecht, Göttingen, 1988 (ISBN 3-525-25747-3), fr. 81-88.
- Robert Brasillach, Anthologie de la poésie grecque, éd. Stock, 1950 (rééd. 1995, Le Livre de Poche) (ISBN 2-25301-517-2).
- Jacques Lacarrière, En cheminant avec Hérodote, Hachette, coll. « Pluriel » (ISBN 2-01278-888-2).
- G. Colli, La sagesse grecque (1977), t. 1 : Dionysos, Apollon, Éleusis, Orphée, Musée, Hyperboréens, Énigme, L'Éclat, 1990, p. 321-337 (Aristéas) et t. 2 : Épiménide, Phérécyde, Thalès, Anaximandre, Onomacrite, p. 44-103. Texte grec et trad.
Études
(par ordre alphabétique)
- (en) J.D.P. Bolton, Aristeas of Proconnesus, Oxford, 1962, p. 1-183. Contient aussi une édition des fragments.
- K. Dowden K., "Deux notes sur les Scythes et les Arismapes", Revue des études grecques, 93, 1980, p. 486-492.
- (en) George Huxley, "Aristeas and the Cyzicene", dans Greek, Roman and Byzantine Studies no 27, 1986.
- Askold Ivantchik, "La Datation du poème l’Arimaspée d'Aristéas de Proconnèse", dans L'Antiquité classique no 62, 1993, p. 35-67.
- Stéphane Mercier, "Par-delà les Scythes et au sud des Hyperboréens : Aristéas de Proconnèse et les Arimaspées, entre mythe et réalité", dans Folia Electronica Classica no 11, janvier-juin 2006, Louvain-la-Neuve [lire en ligne].
Notes et références
- Géographie [détail des éditions] [lire en ligne], XIII, 1, 16 (trad. Mercier [2006]) :
- « Le long de la côte qui va de Parion à Priapos se trouvent l’ancienne Proconnèse et l’actuelle Proconnèse, qui possède une ville ainsi qu’une grande carrière de pierre blanche très appréciée. C’est que les plus belles œuvres des cités de cette région, et avant tout celles qui sont à Cyzique, sont taillées dans cette pierre. »
- G. Huxley [1986], p. 154 :
- « If ‘Old Proconnesus’ is placed in Halone, the stages of Greek settlement in the Marmara islands become clearer: (…) the supposition that Halone is ‘Old Proconnesus’ implies that the island was a stepping-stone in settlement outward from Cyzicus. Settlers went first from Cyzicus to ‘Old Proconnesus’ and thence carried the name to new Proconnesus ».
- Par ex. Pierre Hadot, Qu'est-ce que la philosophie antique ?, 1995, Folio, 1996, p. 432.
- D'après A. Ivantchik, « La Datation du poème l’'Arimaspée' d'Aristéas de Proconnèse », L'Antiquité classique, no 62, , p. 51.
- Cf. J. D. Bolton, Aristeas of Proconnesus, Oxford University Press, , planche I.
- Cf. p. 154 et n. 9.
- Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne], IV, 14
- Eric Robertson Dodds, Les Grecs et l'irrationnel, trad., 1959, Flammarion, coll. « Champs », 1977, p. 145.
- Apollonios, Histoires merveilleuses (vers 140), 6.
- K. Meuli, "Scythica", Hermès, 70, 1935, p. 137 sq. : Gesammelte Schriften, Bâle, Schwabe, 1975, t. II, p. 163 sq.
- Ce récit est repris par Pline et Pausanias, qui l'associent tous deux à Aristée.