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Procès de sorcellerie de Munster

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Les procès de sorcellerie de Munster ont lieu de 1539 à 1632 dans la ville impériale de Munster, dont la juridiction s’étend également aux villages de la communauté du val Saint-Grégoire. Ces procès, qui s’inscrivent dans le contexte d’une chasse aux sorcières particulièrement virulente en Alsace, font quarante-quatre victimes, dont la plupart sont condamnées à mort. L’immense majorité des victimes sont des femmes, bien que les hommes et les enfants se fassent plus présents vers la fin de la période.

Histoire

Les procès de sorcellerie de Munster s’inscrivent dans le contexte plus large de l’épidémie de chasses aux sorcières qui ravage l’Europe entre les XVIe et XVIIe siècles. Ces chasses sont particulièrement virulentes en Alsace, où des dizaines de tribunaux sont actifs pendant cette période, certains, comme celui de Molsheim, condamnant à mort plus de cent personnes[1].

Victimes

Les archives des procès permettent d’établir une liste de quarante-quatre victimes, mais il est possible que tous les procès n’aient pas été enregistrés. Les femmes sont très largement majoritaires, avec trente-sept victimes et sont majoritairement des paysannes. Certaines sont veuves au moment du procès, mais la plupart indiquent dans leurs aveux avoir rencontré le Diable quand elles étaient mariées. Elles justifient souvent leurs relations diaboliques par l’espoir d’échapper à une vie misérable, un mari violent et des voisins vindicatifs[1].

Outre les femmes, quatre hommes et trois enfants de moins de dix ans ont été condamnés au cours de ces procès[1].

Caractéristiques des aveux

Diable

Le Diable apparaît en général pour la première fois sous les traits d’une personne du sexe opposé. Parfois, il prend la forme d’une personne familière, souvent du mari. Les descriptions sont peu nombreuses et se rapportent surtout à sa tenue : il est généralement vêtu de noir et porte une plume blanche, mais quelques témoignages le décrivent habillé en vert, comme un chasseur. Dans tout les cas, il est habillé de manière élégante, parfois trop aux dires des accusés[2]. La seule caractéristique physique qui ressort est que sa main gauche est en forme de patte de poulet[3].

Lorsqu’il est nommé, le Diable est dans plus de la moitié des cas appelé Peterlein et des variantes comme Perterle ou Cannder Perterle. D’autres noms apparaissent moins fréquemment : Durchdenwald, Ruebin, Kohlöffel, Hämmerlin, Kreutlin et Jäslin[3]. Il se rencontre pour la première fois presque toujours en-dehors de la maison : souvent dans l’étable, mais aussi dans la forêt ou les champs[1].

Pacte démoniaque

L’objectif premier du Diable est de séduire pour inciter la victime à renier Dieu. Il utilise pour ce faire son charme, mais fait également des promesses de prospérité et donne de l’argent, qui se révèle invariablement faux et est en réalité des crottes de chèvres, des feuilles mortes, des graines ou des oignons[4]. Dans de rares cas, ce n’est pas le Diable qui réalise cette entreprise de séduction, mais une ou plusieurs sorcières[3]. La séduction s’opère la plupart du temps sur une durée maximum de quinze jours, avec entre une et trois rencontres, bien que les victimes indiquent presque toujours avoir fortement résisté[4]. Une fois établi, le pacte dure en moyenne une vingtaine d’années[3].

Sabbat

Le sabbat a la plupart du temps lieu au Stemmelsberg (peut-être le Stemlisberg, hameau situé au pied du Petit Ballon, à cheval sur la frontière entre Breitenbach et Luttenbach). D’autres lieux apparaissent de manière fréquente : Langenberg, Kilchbuhl, Pfistermatt, Botzmatt, auf’m Kummer, Ampfersbach (lieu-dit proche de Stosswihr), Brezel (Bretzel, lieu-dit entre Munster et Stosswihr), Brückmatt, Mittelberg, Gilchberg, Drei Ahren, Schnepfenriedt (Schnepfenried), Wahrtbühel, Fronzell (lieu dit au nord de Luttenbach), Gippich, Eichberg, Kuttlersmatt und Wyda (peut-être Wida, lieu-dit au nord de Muhlbach), Schmelze (Schmelz, lieu-dit proche de Mittlach), Walenbrunnen, Brandbrunnen[5].

Les accusées disent s’être rendu au sabbat en chevauchant divers ustensiles, balai, fourche ou bâton, et des animaux, notamment des chèvres et des loups, mais aussi de manière plus surprenante des écureuils[5]. Les descriptions du sabbat mettent surtout l’accent sur la richesse des participants, avec une nouvelle fois une insistance particulière sur leurs beaux habits, mais aussi sur la vaisselle d’or et d’argent qu’ils utilisent. La nourriture prend le contrepied de la doctrine chrétienne, avec une abondance de viande et de vin, mais pas de sel ni de pain[6].

Annexes

Liste des victimes

Liste des victimes d’après les archives des procès[7]
Date du procès Nom Genre Statut Lieu d’habitation Sentence
1539 Agatha Botzler femme veuve Munster libération sur parole
1583 (5 mai) Brig. Kreutlin femme veuve Breitenbach bûcher
1583 (26 mai) Catharina Han femme veuve Muhlbach bûcher
1583 (28 juillet) Kunigund Voglin femme mariée Muhlbach bûcher
1583 (21 août) Johanna Lamey femme mariée Muhlbach bûcher
1584 (4 octobre) Anna Neidtling femme mariée Metzeral bûcher
1584 (4 octobre) Kunigund Wirrey femme veuve Stemmelsberg[a] bûcher
1588 (7 septembre) C. Buckenthaler femme mariée Metzeral
1588 (15 octobre) M. Vockhenes femme mariée Breitenbach bûcher
1596 (4 août) Anna Gwinner femme veuve inconnu bûcher
1596 (6 août) Kunigunde Hug femme mariée Soultzeren bûcher
1596 (7 septembre) Gertrud Stahel femme mariée Metzeral bûcher
1600 (6 juin) Ottilie Braesch femme mariée Sondernach bûcher
1600 non nommée (fille d’Ottilie Braesch) femme - Sondernach bûcher
1600 Die Bickingin femme - Muhlbach bûcher
1600 Die Kilchoferin femme - Muhlbach bannissement
1600 Anna Schenler femme - Muhlbach bûcher
1601 Mag. Schwartz femme - - bannissement
1603 Anna Claus femme - Metzeral bûcher
1608 Marg Berschatt femme veuve Kruth inconnue
1617 (1 février) Barbara Morey femme mariée Soultzeren décapitation et bûcher
1617 (1 février) Catharina Wetzel femme mariée décapitation et bûcher
1617 (février) Merge Doser femme veuve Soultzeren décapitation et bûcher
1617 (février) Madalene Febrey femme mariée Munster décapitation et bûcher


Bibliographie

  • Roger Cole, « Les documents relatifs au procès de sorcellerie dans les archives de Munster : une étude sommaire de la sorcellerie sur le plan local », Annuaire de la société d’histoire du val et de la ville de Munster, vol. 38,‎ , p. 105-120 (lire en ligne, consulté le ).
  • Jacques Roehrig, Procès de sorcellerie aux XVIe-XVIIe siècles dans les terres de l'Est: Alsace, Franche-Comté, Lorraine, Éditions Trajectoire, (ISBN 978-2-84197-708-6).
  • Jacques Roehrig, L'holocauste des sorcières d'Alsace: un effroyable massacre au coeur de l'Europe humaniste, la Nuée bleue, (ISBN 978-2-7165-0783-7).
  • (de) Auguste Scherlen, « Münsteren Hexenprozessordnung vom Jahre 1608 », Jahrbuch des Geschichtsverein für Stadt und Tal Münster, Munster, Imprimerie des Vosges, vol. 1,‎ , p. 9-12 (lire en ligne, consulté le ).

Articles connexes

Notes et références

  1. Probablement le Stemlisberg, hameau situé au pied du Petit Ballon, à cheval sur la frontière entre Breitenbach et Luttenbach.
  1. a b c et d Cole 1984, p. 106.
  2. Cole 1984, p. 107-108.
  3. a b c et d Cole 1984, p. 108.
  4. a et b Cole 1984, p. 107.
  5. a et b Cole 1984, p. 109.
  6. Cole 1984, p. 109-110.
  7. Cole 1984, p. 114-116.