Aller au contenu

Élections législatives sud-coréennes de 2020

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Élections législatives sud-coréennes de 2020
300 sièges de l'Assemblée nationale
(majorité absolue : 151 sièges)
Corps électoral et résultats
Inscrits 43 994 247
Votants 29 121 467
66,19 % en augmentation 8,2
Blancs et nuls 380 059
Parti démocrate - Parti des citoyens ensemble – Lee Hae-chan
Voix 14 345 425
49,91 %
en augmentation 24,4
Sièges obtenus 180 en augmentation 57
Parti du futur uni - Parti de la Corée future – Hwang Kyo-ahn
Voix 11 915 277
41,45 %
en augmentation 8
Sièges obtenus 103 en diminution 19
Président de l'Assemblée
Sortant Élu
Moon Hee-sang
PDC
Park Byeong-seug
PDC

Les élections législatives sud-coréennes de 2020 ont lieu le afin de renouveler les 300 membres de l'Assemblée nationale, le parlement de la Corée du Sud.

Le scrutin a lieu peu après une modification de la loi électorale ayant amené les principaux partis à créer de petites formations sœurs, ainsi que dans le contexte plus large de la pandémie de Covid-19, dont la bonne gestion par le Parti démocrate du président Moon Jae-in entraîne un rebond de popularité du gouvernement sortant. Le parti démocrate remporte ainsi une nette victoire qui lui permet de passer d'une majorité relative des sièges au Parlement à une majorité absolue.

Système électoral

[modifier | modifier le code]
Siège de l'Assemblée nationale à Séoul.

La Corée du Sud est dotée d'un parlement unicaméral, l'Assemblée nationale, composé de 300 sièges pourvus pour quatre ans selon un système mixte. Sur ce total, 253 sièges sont ainsi pourvus au scrutin uninominal majoritaire à un tour dans autant de circonscriptions. Les 47 sièges restants sont pourvus au scrutin proportionnel plurinominal avec listes fermées et seuil électoral de 3 % dans une unique circonscription nationale. Après décomptes des voix, les sièges à la proportionnelle sont répartis en appliquant le quota de Hare et au plus fort reste entre tous les partis ayant franchi le seuil électoral ou obtenu au moins cinq sièges majoritaire[1]. Le droit de vote s'acquiert à 18 ans.

Le système électoral en vigueur jusqu'à ces élections consistait en un système mixte parallèle dans lequel l'intégralité des sièges à la proportionnelle s'additionnait simplement à celle par circonscription, donnant au scrutin une forte tendance majoritaire. Une récente réforme a cependant introduit le système proportionnel de compensation, dans lequel 30 des 47 sièges de la part élue à la proportionnelle sont désormais attribués aux partis dont la part des sièges obtenus au scrutin majoritaire est inférieure à leurs part des voix au niveau national à la proportionnelle, de manière à s'en rapprocher le plus possible. Ce système, qui tend vers davantage de représentativité en attribuant des sièges aux formations sous-représentées par le scrutin majoritaire est issu d'une réforme très controversée, ayant mené à de vifs débats au parlement l'année précédant le scrutin[2].

Réforme de 2019

[modifier | modifier le code]
Moon Jae-in.

Une réforme électorale visant à augmenter la part proportionnelle en la fixant à 75 sièges est portée courant 2019 par le président Moon Jae-in. Ce dernier tente de faire passer la loi à temps pour le scrutin de 2020 en la faisant voter via une procédure accélérée nécessitant en retour les voix de 60 % des députés[3]. Le projet de loi, qui comporte également un abaissement de 19 à 18 ans de l'âge d'obtention du droit de vote, est en effet victime d'obstruction parlementaire de la part du Parti de la liberté et de plusieurs députés du Parti Bareunmirae visant à empêcher son vote avant la fin de la session parlementaire le . Le recours controversé à la procédure accélérée permet de passer outre cette date limite[3].

La tournure des débats finit par prendre un aspect passionné, les députés du Parti de la liberté tentant de bloquer physiquement l'accès aux séances par des sit-in à ses entrées, certains députés en venant même aux mains, entrainant l'ouverture d'une enquête judiciaire[4],[5],[6]. Cette dernière aboutit à l'inculpation pour violences et troubles de l'ordre de plusieurs membres du parti de la liberté - dont son président Hwang Kyo-ahn et la cheffe de son groupe parlementaire, Na Kyung-won — ainsi que de quelques membres du Parti démocratique[7].

La nouvelle loi électorale est finalement votée le . Si elle conserve le même nombre de sièges qu'auparavant pour les systèmes majoritaire et proportionnels, celle-ci introduit cependant un changement significatif dans le mode de scrutin en faisant passer les deux tiers de sa part proportionnelle d'un système mixte parallèle à un système par compensation[2]. Le Parti de la liberté déclare vouloir revenir sur cette réforme une fois au pouvoir et annonce son intention de mettre en place des petits partis « satellites » destinés à capter des sièges pourvus selon le nouveau système[8]. Ce qu'il fait en créant le le Parti de la Corée future[9]. Le Parti démocratique forme de son côté le Parti des citoyens ensemble le suivant[10].

Le Parti de la liberté opère un changement de façade en fusionnant avec plusieurs partis mineurs pour former le Parti du futur uni. De leur côté, le Parti Bareunmirae et le Parti pour la paix et la démocratie, issus du Parti du peuple, fusionnent à leur tour pour former le Parti pour la subsistance du peuple.

Forces en présences

[modifier | modifier le code]
Principales forces politiques
Parti Idéologie Chef de file Résultat en 2016
Parti du futur uni
Miraetong-hap dang
Droite à extrême droite
National-conservatisme, conservatisme social, anticommunisme
Hwang Kyo-ahn Issu du Parti de la liberté
(33,5 % des voix
122 députés)
Parti démocratique de Corée
Deobureominjudang
Centre à centre gauche
Social-libéralisme, libéralisme, progressisme
Lee Hae-chan 25,5 % des voix
123 députés
Parti pour la subsistance du peuple
Minsaeng-dang
Centre à centre droit
Libéral-conservatisme, conservatisme sociétal
Kim Jung-hwa Issu du Parti du peuple
(26,7 % des voix
38 députés)
Parti de la justice
Jeonguidang
Gauche
Social-démocratie, réformisme, progressisme
Sim Sang-jung 7,2 % des voix
6 députés
Résultats des législatives sud-coréennes de 2020[11],[12],[13]
Partis Circonscriptions Proportionnelle Total
sièges
+/-
Voix % Sièges Voix % Sièges
SP SC
Parti démocrate 14 345 425 49,91 163 163 en augmentation 40
Parti des citoyens ensemble 9 307 112 33,35 6 11 17 Nv
Parti du futur uni 11 915 277 41,45 84 84 en diminution 38
Parti de la Corée future 9 441 520 33,84 7 12 19 Nv
Parti de la justice 487 519 1,69 1 2 697 956 9,67 2 3 6 en stagnation
Parti du peuple 1 896 719 6,79 1 2 3 Nv
Démocrates ouverts 1 512 763 5,42 1 2 3 Nv
Parti pour la subsistance du peuple 415 473 1,44 0 758 778 2,71 0 0 0 en diminution 38
Parti chrétien de la liberté 7 663 0,02 0 513 159 1,83 0 0 0 en stagnation
Parti populaire 172 239 0,59 0 295 612 1,05 0 0 0 en stagnation
Notre Parti républicain 48 603 0,16 0 208 719 0,74 0 0 0 Nv
Parti des femmes 208 697 0,74 0 0 0 Nv
Autres partis[a] 1 350 209 0,78 0 1 058 829 3,78 0 0 0 -
Indépendants 1 124 167 3,91 5 5 en diminution 6
Suffrages exprimés 28 741 408 98,70 27 899 864 95,79
Votes blancs et invalides 380 059 1,30 1 226 532 4,21
Total 29 121 467 100 253 29 126 396 100 17 30 300 en stagnation
Abstentions 14 872 780 33,81 14 867 851 33,80
Inscrits / participation 43 994 247 66,19 43 994 247 66,20
Parti arrivé en tête par circonscription.

Les élections sont une large victoire pour le Parti démocratique de Corée, qui remporte à lui seul la majorité absolue des sièges, et frôle celle des voix au niveau national, sans même nécessiter le soutien des 17 sièges de sa formation sœur, le Parti des citoyens ensemble. Le Parti du futur uni est nettement distancé avec seulement 84 sièges, presque moitié moins que son rival, bien que sa formation sœur, le Parti de la Corée future, soit arrivé de justesse en tête au scrutin proportionnel, totalisant 19 sièges. La stratégie électorale des deux principales formations politique du pays est par ailleurs un net succès : en mettant en place des petit partis affiliés ne se présentant qu'au scrutin de liste, tout en ne présentant eux-mêmes des candidats que dans les circonscriptions au scrutin majoritaire, les deux camps parviennent à cumuler un nombre élevé de sièges compensatoires, que leurs résultats au scrutin majoritaire ne leur auraient pas permis d'obtenir pour eux-mêmes[14]. Le taux de participation de 66,19 % est par ailleurs le plus élevé depuis 1992, une performance d'autant plus remarquable que le scrutin se tient en pleine pandémie de Covid-19[15].

Cette dernière se révèle être indirectement la cause principale de la victoire du parti démocratique. Alors que le parti du président Moon Jae-in se trouvait empêtré depuis plusieurs mois dans des scandales d'abus de pouvoir aggravés par de mauvais résultats en matière économique et une politique étrangère vivement critiquée pour sa supposée complaisance envers le voisin nord coréen, sa gestion jugée excellente de la crise sanitaire est à l'origine d'un renversement d'opinion[15]. La Corée est alors l'un des seuls pays développé à avoir endigué la progression du coronavirus sans recourir à un confinement total de sa population, optant pour une stratégie de dépistage massif et de confinement sélectif des seules personnes entrées en contact avec les malades. De 41 % d'opinions favorables à la fin du mois de janvier, Moon Jae-in remonte ainsi à 57 % une semaine avant le scrutin. Outre la gestion de la pandémie en elle-même, reconnue à l'international, le président parvient à faire de celle-ci la base d'un programme économique en la présentant comme une occasion de restructurer l'économie coréenne autour des nouvelles technologies et de la biopharmacie[15],[16].

L'organisation des élections en pleine pandémie est remarquée, la quasi-totalité des pays touchés ayant reporté leurs scrutins respectifs. Outre le port du masque obligatoire et le respect de distance de sécurité dans les bureaux de vote, leurs personnels procèdent à la prise de température systématique des électeurs, redirigeant ceux ayant de la fièvre vers des urnes séparées et désinfectées après chaque passage. Pour chacun des électeurs, le vote n'a lieu qu'après désinfection des mains avec du gel hydroalcoolique et l'enfilement de gants en plastique, afin de réduire au maximum le risque de contact[17].

Conséquences

[modifier | modifier le code]

Fort de sa victoire, le gouvernement sortant devrait pouvoir appliquer son programme librement grâce à sa solide majorité. L'opposition est particulièrement affaiblie par la défaite de deux de ses dirigeants, l'ex-Premier ministre Hwang Kyo-ahn et l'ancien chef de file parlementaire Na Kyung-won ayant échoué à se faire réélire. Le président Moon Jae-in parvient quant à lui à devenir l'un des rares présidents sud-coréens à ne pas connaître de cohabitation au cours de son unique quinquennat[15].

Dès la fin du mois d'avril, le Parti démocratique entreprend la fusion du Parti des citoyens ensemble en son sein, de même que le Parti du futur uni avec le parti de la Corée future[14]. Le dévoiement de la loi électorale par les deux principaux partis fait l'objet de vives critiques. Celle ci a en effet abouti à une concentration plus importante encore de leurs parts des sièges au détriment des petits partis, à l'inverse du résultat désiré qui était de favoriser la représentation de ces derniers afin de réduire la prépondérance du bipartisme. Les décisions de la commission électorale nationale sont également remises en cause, son interprétation jugée « autoritaire » de la nouvelle loi l'ayant conduite à interdire aux partis ne présentant pas de candidats au scrutin proportionnel de faire de la propagande électorale. En forçant de fait les partis en question à se promouvoir via le temps de parole de leurs candidats dans chaque circonscription, cette interdiction est pointée comme responsable d'un scrutin ayant lourdement manqué d'échanges et de débat quant aux programmes des différentes formations[14].

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. 19 partis. Moins de 0,75 % des voix chacun.

Références

[modifier | modifier le code]
  1. « NATIONAL ELECTION COMMISSION », sur www.nec.go.kr (consulté le ).
  2. a et b (en) The Korea Herald, « National Assembly passes electoral reform bill », sur www.koreaherald.com (consulté le ).
  3. a et b (en) « Can South Korea Enact Electoral Reform In Time? », The Diplomat,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  4. (ko) 방현덕, « 패스트트랙 극한충돌, '육탄전' 이어 '고소고발전'으로 비화 », sur 연합뉴스, yonhap,‎ (consulté le ).
  5. « 검찰, 패스트트랙 직접 수사…수사대상 의원 109명 », sur www.donga.com,‎ (consulté le ).
  6. (en) The Korea Herald, « [KH Explains] What is behind political impasse, violence at National Assembly? », sur www.koreaherald.com (consulté le ).
  7. MoneyToday, « 검찰 '패스트트랙 동물국회' 황교안·나경원 불구속 기소(상보) », sur m.mt.co.kr,‎ (consulté le ).
  8. (en) 김수연, « Main opposition to set up satellite party for more proportional representation seats », sur Yonhap News Agency, yonhapenglish,‎ (consulté le ).
  9. « Future Korea Party to Retain Official Party Status », sur world.kbs.co.kr (consulté le ).
  10. « 민주당 “현역 의원 7명, 더불어시민당에 파견” », 시사저널,‎ (lire en ligne, consulté le )
  11. « Commission électorale ».
  12. « Résultats », sur info.nec.go.kr (consulté le ).
  13. « Résultats », sur news.naver.com (consulté le ).
  14. a b et c (en) « Election law should be revised before integration with proportional parties », sur www.donga.com (consulté le ).
  15. a b c et d « Elections en Corée du Sud: le pouvoir récompensé pour sa gestion de l'épidémie », sur www.lefigaro.fr, lefigaro (consulté le ).
  16. « Corée du Sud : le parti au pouvoir plébiscité pour sa gestion de l'épidémie », sur www.lepoint.fr, lepoint.fr (consulté le ).
  17. « Coronavirus : la Corée du Sud enregistre une participation record aux élections législatives, maintenues malgré l'épidémie », sur www.francetvinfo.fr (consulté le ).