L’Encyclopédie/1re édition/OBTURATION
OBTURATION, terme de Chirurgie, qui se dit de la maniere dont les ouvertures se bouchent. La voûte du palais est sujette à être trouée contre l’ordre naturel : on y remedie par l’application d’un instrument. Voyez Obturateur.
On a mis en question utile pour la pratique de savoir comment se referment les ouvertures du crane après l’opération du trépan. Ambroise Paré parle de certains abuseurs qui trompoient les malades, en leur demandant une piece d’or, qu’ils tailloient de la figure convenable à la perte de substance du crane, & qui faisoient croire qu’ils la mettoient au lieu & place de l’os. Ce grand chirurgien pense que la breche de l’os est irréparable ; & les observations les plus exactes sur cet objet font voir que le trou du trépan se bouche par une substance membraneuse, fournie par la dure mere, à laquelle se joignent les bourgeons charnus qui naissent du diploé dans toute la circonférence du trou, & que les tégumens fortifient. Cette espece de tampon calleux, formé de la substance préexistante de toutes les parties qui ont contribué à le produire, a été pris pour une substance nouvelle, une génération particuliere, parce que cette production ressemble à une corne naissante par sa couleur & sa consistance. Dans les grandes déperditions de substance, la dure mere produit des bourgeons charnus, qui, en se dessechant de la circonférence de la plaie vers le centre, deviennent assez fermes pour mettre le cerveau en sureté. On sent le mouvement du cerveau au-travers de cette membrane. Pour éviter les injures extérieures, on doit faire porter aux personnes qui sont dans ce cas une calotte. M. de la Peyronie a vu des inconvéniens d’une calotte d’argent : elle s’échauffe & devient fort incommode. Ambroise Paré a fait porter une calotte de cuir bouilli à un homme, pour mettre la cicatrice en sureté, jusqu’à ce qu’elle fût devenue assez ferme. Il y auroit de la prudence à ne jamais être au moins sans une calotte de carton, après la cure des plaies où l’on a perdu une partie d’os du crane. On peut tenir pour suspecte l’observation d’un auteur, qui dit que pour suppléer à une grande partie du pariétal, on appliqua une plaque d’argent percée de plusieurs trous, à-travers desquels les chairs se joignirent par-dessus la plaque, qu’elles enfermerent. On ajoute qu’on sentoit cette plaque & ses trous, lorsqu’on portoit le doigt sur la cicatrice.
Belloste loue beaucoup dans son traité intitulé le chirurgien d’hôpital, un instrument de son invention pour boucher le trou du crane d’un pansement à l’autre. C’est une plaque de plomb percée de plusieurs trous, pour laisser suinter les matieres purulentes, & qui retient le cerveau très-disposé en certaines occasions à faire hernie par l’ouverture. Mais si l’on fait attention que souvent c’est une excroissance fongueuse de la tumeur qu’on prend pour une hernie du cerveau, on concevra qu’une plaque de plomb ne peut qu’être préjudiciable, & qu’il faut attaquer l’excroissance par des cathéretiques capables de la détruire. En la contenant par la plaque de Belloste, on fait une compression sur le cerveau, dont il peut résulter des accidens. Si c’est la substance même du cerveau qui se tumefie, il faut remédier à cet accident par des saignées, qui diminuent le volume du sang, & l’action impulsive des vaisseaux. Il faut de plus se servir de remedes convenables. M. de la Peyronie a observé que l’usage de l’esprit de vin, qui s’oppose à la pourriture dans toutes les parties du corps qui coagule la lymphe & excite la crispation des vaisseaux, produisoit des effets tout contraires au cerveau. Il rarefie sa substance ; & en lui faisant occuper plus de volume, il en favorise la dissolution putride. L’huile de térébenthine, ou le baume du commandeur, font sur le crane une espece de vernis, qui empêche l’action putréfiante de l’air ; & ces médicamens, en resserrant le tissu de ce viscere, répriment la force expansive qui lui vient de l’action de ses vaisseaux ; la saignée modere efficacement cette action. La plaque obturatrice de Belloste ne produit point ces effets salutaires. (Y)