L’Encyclopédie/1re édition/OURDISSAGE des soies
OURDISSAGE des soies, pour faire les chaînes des étoffes : il entre dans l’ourdissage deux machines principales ; l’une est la cantre, & l’autre l’ourdissoir.
La cantre est composée de trois bandes de bois, larges d’environ 3 pouces, sur 1 pouce d’épaisseur, ajustées sur quatre piliers, & asservies sur deux traverses égales, pour en faire une espece de table à jouer, d’environ 2 piés de haut & 6 piés de long ; ces barres sont éloignées les unes des autres d’un pié. Chacune de ces bandes de bois sont percées de côté, directement les unes devant les autres, dans la distance de 2 pouces d’éloignement : il y a 20 trous sur toute la longueur. On passe au-travers de chacun de ces trous une broche de fer chargée de deux roquets garnis de soie, l’un d’un côté de sa barre du milieu, & l’autre de l’autre ; au-dessus de chacune des barres des roquets qui se trouvent dans les deux côtés de la cantre, est élevé sur deux montans de bois une barre qui les traverse dans la longueur ; l’une a 1 pié d’hauteur, & l’autre a 1 pié. A chacune de ces bandes sont attachées par des ficelles, autant de petits anneaux de verre, qui correspondent directement à chacun des roquets.
On prend à chaque roquet le bout de la soie qui y est dévidée, & le passant par l’anneau qui y correspond on les assemble, en les nouant ensemble par le bout pour n’en faire qu’un seul corps des 40 bouts.
L’ourdissoir est une grande cage, d’environ 6 piés de haut, de forme cylindrique de 3, autant de circonférence environ, tournant dans une grenouille, sur un pivot qui est attaché au pilier du centre de la cage, au haut du pilier de la cage est une broche de fer, autour de laquelle tourne une corde.
Cette cage est enfermée dans quatre piliers, fixés par deux morceaux de bois mis en croix au-dessus & au-dessous de la cage ; la croix du dessous porte la grenouille au point de sa réunion dans laquelle tourne le pivot qui porte toute la cage. La broche de fer passe au-travers du centre de la croix d’en-haut ; à cette broche de fer est attachée une grosse corde-à-boyau tournée autour, laquelle en se développant par les tours de la cage, va se rendre à un anneau de bois suspendu directement au haut de l’un des piliers qui enferme la cage, & va chercher un morceau de bois quarré qui monte & descend le long de ce même pilier, appellé plot, à fur & mesure que la cage déploie ou reploie la corde ; à ce plot sont attachées deux broches de fer très-polies, d’environ 9 à 10 pouces de long, servant à diriger la soie qui se distribue à mesure que la cage tourne en montant ou descendant. Au milieu de ce plot est une poulie en bois, fixée par une cheville de verre. Au bas du pilier gauche de la fermeture de la cage sont attachés deux morceaux de bois, d’environ 2 piés, à un pié & demi de distance, liés à leur extrémité par un autre morceau de bois qui les assujettit : le morceau de bois supérieur est percé d’un trou, au travers duquel passe l’axe d’une roue qui appuie sur le morceau de bois d’en bas, au haut duquel axe est une manivelle qui sert à faire tourner la roue, autour de laquelle est une corde de laine, qui embrassant toute la cage, sert à la faire tourner en tous sens par le moyen de la manivelle.
Il y a de plus au haut de la cage, une des traverses qui est amovible, au milieu de laquelle, à l’extérieur, est placée une cheville ; la traverse de côté en tournant est encore amovible, & porte aussi deux chevilles. Dans la partie inférieure de la cage il y a de même une autre traverse qui est encore amovible, qui porte aussi deux chevilles : cette traverse peut se transporter plus haut ou plus bas, suivant le desir de l’ourdisseuse. Ces chevilles servent comme nous l’allons dire, à recevoir les commencemens & fins de la piece, & à en fixer les envergures.
L’ourdisseuse ayant les bouts de soie ensemble à la sortie de la cantre, arrête le nœud sur la premiere cheville ; & de-là, après avoir envergé sa brassée de soie, la met sur les deux chevilles qui suivent la précédente, & tournant ensuite la manivelle de la petite roue qui fait mouvoir la cage, elle distribue la brassée de soie sur l’ourdissoir, à proportion de l’aunage qu’elle veut faire ; ce qui se connoît par le nombre de tours de l’ourdissoir : & quand elle est arrivée au point où elle le veut, elle met une nouvelle traverse portant deux chevilles, autour desquelles elle tourne deux fois sa brassée, & en faisant mouvoir la cage en sens contraire, elle remonte sa brassée jusqu’aux deux chevilles d’en-haut, où elle renverge de nouveau fil par fil, & ensuite descend & remonte jusqu’à ce qu’elle ait fait le nombre de portées qu’il lui faut pour composer la chaîne, ce qui est arbitraire, & elle en arrête la fin par un nœud, comme elle a fait lorsqu’elle a arrêté le commencement sur la premiere cheville.
La chaîne étant entierement distribuée sur l’ourdissoir, l’ourdisseuse arrête l’envergure par une ficelle qu’elle passe aux soies divisées par les deux chevilles du haut de l’ourdissoir.
On commence à lever la chaîne de dessus l’ourdissoir par la partie qui en doit faire la fin, qui se trouve arrêtée à la cheville d’en-bas, & prenant la poignée de soie qui s’y trouve, on en fait une boucle en forme de chaîne, & continuant ainsi de boucle en boucle jusqu’au haut de l’envergure : quand on y est arrivé, on l’arrête & elle se trouve en état d’être mise sur l’ensuple.